Les Sauveteurs en Mer de Mayotte équipés du plus grand semi-rigide de la SNSM

Après deux ans d’in­ac­ti­vité faute de canot, la station de Dzaoudzi, sur Petite-Terre à Mayotte, reprend son acti­vité, armée d’un somp­tueux semi-rigide (9 m, le plus gros de la flotte SNSM), le très attendu « SNS 976 Tamani » – « désiré » en shimaoré, la langue locale.

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Les sauveteurs de la station SNSM de Mayotte posent fièrement sur leur nouveau semi-rigide, le SNS 976. © SNSM

«  Enfin, ça repart », annonce fière­ment Alain Pucel, patron titu­laire à la station de Dzaoudzi, commune de Petite-Terre, l’une des îles de Mayotte. Après deux ans et quelques mois d’at­tente, la station, prési­dée par Frédé­ric Niewia­dom­ski, dispose enfin d’un semi-rigide neuf. Il remplace le précé­dent, qui avait bien failli couler lors de sa dernière sortie. Usure normale quand on a eu la fierté d’être, en 2015, le canot le plus solli­cité de tous ceux de la SNSM. Vive le tout nouveau SNS 976, débarqué de France en janvier 2021.

9 m de long, propulsé par deux fois 300 ch (des Mercury), une coque en alumi­nium ; c’est le plus gros de tous les semi-rigides en service à la SNSM. Et Alain, enthou­siaste, de préci­ser : « Il a tout : traceur, radar, balise AIS Sarsat, double VHF, projec­teur… »

Une telle embar­ca­tion avec tout son équi­pe­ment, c’est une facture d’en­vi­ron 260 000 €, finan­cée à 45 % par le conseil dépar­te­men­tal, à 38 % par le minis­tère des Outre-mer, et le reste par la SNSM.

Mais, coup du sort pour la station : elle vient de perdre son local – en cours de démo­li­tion – et se trouve sans solu­tion de rempla­ce­ment à ce jour… En atten­dant, les réunions se tiennent par télé­phone, sur le quai ou chez l’un des béné­voles. Ils sont une tren­taine, dont  trois  femmes.  « Certains, explique Alain, sont Maho­rais, d’autres métro­po­li­tains. Nous venons de renou­ve­ler envi­ron 50 % de nos béné­voles car beau­coup sont fonc­tion­naires. Ils sont en poste ici pour quatre ans, puis repartent. D’où un besoin perma­nent de  forma­tion. La Covid aura un peu compliqué les choses : deux sous-patrons sur les quatre n’ont pas encore pu rejoindre le Pôle natio­nal de forma­tion pour leur stage de certi­fi­ca­tion.  »

Des parti­cu­la­ri­tés locales

Un moyen, des béné­voles et, bien sûr, une mission, iden­tique à celle de toutes les stations du litto­ral français. Sauf en trois points.

D’abord, les spéci­fi­ci­tés géogra­phiques locales. Mayotte est cernée par une cein­ture de corail de 160 kilo­mètres de long. Les condi­tions de navi­ga­tion sont parfois très diffi­ciles. « La barrière est percée d’une dizaine de passes », confirme Alain. « Le courant peut y être terrible car, à chaque marée, 100 km³ d’eau  doivent  entrer  ou  sortir.  Ça  se bous­cule. De plus, on a des marnages de 4 mètres, voire 4,20 mètres, donc des fonds qui changent constam­ment et vite. Les risques de heur­ter une tête de corail sont consi­dé­rables.  »

Ensuite, seconde diffé­rence, de puis­sants flux illé­gaux de popu­la­tions. À 70 kilo­mètres à l’ouest de Mayotte, l’île d’Anjouan, dans  l’ar­chi­pel  des Comores. Là, chaque jour, ils montent à trente – ou plus – sur d’étroites barques de pêcheurs, cap sur Mayotte.

L’at­trait de l’île est tel que 48 % de la popu­la­tion est d’ori­gine étran­gère, malgré des recon­duc­tions à la fron­tière par milliers chaque année. Risquées, ces traver­sées causent des centaines de noyades par an. Appuyés par les quatre stations radars de l’île, des héli­co­ptères et leurs navires, gendarmes et poli­ciers «  gèrent  » du mieux possible cette noria d’hu­mains dans le cadre de la lutte contre l’im­mi­gra­tion clan­des­tine. «  Ces opéra­tions de police, souligne Alain, n’entrent en aucun cas dans la mission de la SNSM.  » Mais elle peut y contri­buer indi­rec­te­ment lorsque le centre régio­nal opéra­tion­nel de surveillance et de sauve­tage (CROSS) Réunion engage en renfort les béné­voles et leur SNS 976 pour secou­rir des naufra­gés…

Enfin, troi­sième singu­la­rité : le déve­lop­pe­ment de l’aé­ro­port de Dzaoudzi. Avec l’es­poir de soute­nir, après la pandé­mie de Covid, une acti­vité touris­tique pour stimu­ler l’éco­no­mie locale. D’où, pour la station, l’obli­ga­tion d’in­té­grer les risques d’un acci­dent aéro­nau­tique. Et de s’y prépa­rer. «  Pour le reste, conclut Alain, c’est ici comme ailleurs : des pêcheurs, des plai­san­ciers, qui naviguent à la voile ou au moteur, des plon­geurs… »

Alors, fin prête, la station de Dzaoudzi ? Oui, enfin prête ! Avec des cano­tiers respec­tueux, à la lettre, de la devise offi­cielle de Mayotte : « Ra hachiri. »  En  shimaoré :  « Nous  sommes vigi­lants. »

Article diffusé dans le maga­zine Sauve­tage n°156 (2ème trimestre 2021)